L’étude a examiné comment les mécanismes sociaux influencent la distribution des rangs de deux algorithmes bien connus, à savoir le PageRank, l’un des principaux algorithmes sur lesquels repose le moteur de recherche de Google, et le Who-to-Follow, l’algorithme de Twitter qui suggère des personnes que vous ne suivez pas actuellement et qui pourraient vous intéresser.
« Il a été démontré par le passé que les algorithmes de classement ont tendance à augmenter la popularité des utilisateurs qui sont déjà populaires, ce qui peut entraîner une perte d’opportunités pour certains groupes de personnes », explique Lisette Espín-Noboa, spécialiste des sciences sociales computationnelles au Complexity Science Hub Vienna (CSH) et premier auteur de l’article. « Nous voulions comprendre quand ces algorithmes peuvent se tromper, en fonction de la structure et des caractéristiques d’un réseau. »
Comprendre les algorithmes
L’équipe a simulé différents réseaux, composés de 2 000 individus, et a ajusté les mécanismes sociaux des relations entre les individus de chaque réseau. Les scientifiques ont pu faire varier les propriétés attribuées à chaque réseau, telles que la proportion de la minorité, le degré d’activité des utilisateurs pour se connecter avec d’autres utilisateurs et la manière dont les personnes se connectent dans le réseau. En particulier, les chercheurs se sont intéressés à savoir si les individus s’associaient plus volontiers à d’autres personnes déjà populaires et s’ils avaient tendance à se lier à ceux qui leur ressemblent. Préférer les autres qui sont semblables à soi est un principe que les spécialistes des sciences sociales appellent homophilie (« les oiseaux d’une même plume s’assemblent »).
Principal mécanisme social
Les chercheurs ont découvert que le principal mécanisme social responsable de la distorsion de la visibilité des minorités dans les classements était en fait l’homophilie, ainsi que la proportion de la minorité. « Nous constatons que lorsque le groupe majoritaire s’associe principalement à d’autres membres de la majorité, le groupe minoritaire est sous-représenté dans les premiers rangs », explique Espín-Noboa. « Cependant, les minorités peuvent surmonter cette sous-représentation en se connectant stratégiquement avec les autres et peuvent essayer d’atteindre au moins la parité statistique dans les rangs supérieurs. »
La parité statistique signifie que si la minorité représente 20 % des personnes dans le réseau, le même ratio devrait se refléter dans chaque top-k du rang. « Une façon d’augmenter la visibilité des minorités dans le rang est de les rendre plus actives dans le réseau », explique Expín-Noboa. « Cela signifie que les minorités devraient créer plus de connexions avec les autres ».
Un autre moyen qui pourrait rendre les minorités plus visibles est de diversifier les connexions de la majorité : en créant plus de connexions du groupe majoritaire vers le groupe minoritaire, trouve l’étude.
Des scénarios plus réalistes
« Nous avons vu dans une étude précédente comment l’homophilie peut influencer le classement des minorités », explique la coauteure Fariba Karimi qui dirige l’équipe « Inégalité des réseaux » au CSH. « Cet article se fonde sur des scénarios de réseaux sociaux plus réalistes et examine non seulement les algorithmes de classement, mais aussi les algorithmes de recommandation sociale utilisés par les plates-formes de réseaux sociaux telles que Twitter », explique-t-elle. « Nos nouveaux résultats suggèrent que les algorithmes de classement et de recommandation dans les réseaux sociaux en ligne tels que Twitter peuvent effectivement déformer la visibilité des minorités de manière inattendue. »